Bonne et heureuse retraite... mister Gogol


Durant la première décennie de l« Étrier Wallon de Pierre et Anne LELONG », un cheval et un poney, tous les deux exceptionnels (à des titres différents) ont particulièrement marqué la vie du club.

Il s’agit de Talmud et d’Ugolin.

Talmud, le poney multi-champion, est à la retraite depuis maintenant quelques années, et a droit à un box « spécial aération », conçu pour l'aider à mieux respirer. Il rencontre encore quelques juments tous les printemps, et coule des jours tranquilles, tandis que sa progéniture peuple doucement le club.

En novembre 2005, c’est au tour d’Ugolin de prendre sa retraite.
Ugolin n’a pas de problème de santé, mais il aura 20 ans dans quelques mois, et a perdu de sa souplesse d’antan. Une belle retraite l’attend en Normandie, sous l’œil vigilant de la cavalière du club qui l’a le plus monté en compétition.

L’arrivée au club

Début novembre 1993, Pierre et Anne arrivaient au club.
Nous étions quelques cavaliers, clients de l’ancienne équipe, qui les attendions avec beaucoup de curiosité et un brin d’inquiétude.

Dans leur camion, il y avait plusieurs poneys et chevaux.

Un cheval bai près du sang était dans le lot. Ce selle français de 6 ans s’appelait « Ugolin Ultra Chic » et avait l’air passablement… énervé !

Très vite, nous avons commencé à connaître les qualités et les défauts de ce cheval.

Les premières années

Premier problème : la sortie du box !
Qu’il ait travaillé la veille ou non, pendant plusieurs années, les sorties de box étaient sportives. La bête était chaude, et le simple trajet de l’écurie au manège n’était pas simple = trois pas avec un cheval au galop à coté de vous… on le laisse faire « un rond » pour ne pas être débordé… et on recommence !

Deuxième problème : les méchantes choses dans le manège ou la carrière.
Ce cheval qui n’a jamais eu peur de rien sur un cross, était capable de faire 20 fois un écart pour éviter de passer à coté d’un tuyau, d’un plot, ou de tout autre objet nouveau terriblement effrayant !… et je ne parle pas de ses réactions face aux incidents plus notables (un chat qui traverse la carrière = un « coup de cul » mémorable !!)

Troisième problème : l’attache…
Maintenant, on peut attacher Ugolin en restant attentif… mais ce n’était pas le cas autrefois ! Je me rappelle d’un anneau descellé du mur dans l’aire de pansage… Ugolin pouvait tirer au renard, jusqu’à se retourner.

Quatrième problème : Le confort.
Ugolin sur le plat, ça peut être un vrai plaisir, notamment au galop (heu, surtout à droite)… et un supplice au trot ! Il est moyennement confortable, et, surtout, quand il en a assez, il sait très bien se rendre peu agréable : « et je trottine, et je t’arrache les rènes, et je secoue la tête… N’insiste pas, j’ai gagné !»

Cinquième problème : Le travail en groupe sur un terrain de cross.
Si vous voulez voir Ugolin devenir inarrêtable, il suffit de travailler le cross (à la maison ou sur le terrain d’Aubigny, par exemple) avec plusieurs copains chevaux sur le même terrain. En quelques minutes, la fonction « pas » est désactivée et Ugolin ne se déplace plus qu’au galop, sur place au besoin… et dans ce cas, gare à ne pas tirer sur les rènes, la bête peut se mettre debout !

Mais ces quelques défauts ont depuis toujours été compensés par une inaltérable volonté de bien faire… Ugolin a, dès le début, servi tous ses cavaliers en reprise et en examen avec une franchise totale.
C’était le cheval qui ne s’arrête pas, celui qui vous remet en confiance, celui qui vous fait progresser, celui avec qui vous acceptez de sauter un obstacle plus haut que ceux que vous aviez sautés avant, celui que tout le monde choisit pour les challenges, celui qui fait passer les galops
Combien de galops 7 ont eu leur examen « grâce à Ugolin » ? Dans ce club, ils sont nombreux ! (et moi la première... chronologiquement !).

Les concours

Dès l’hiver 93/94, les premiers concours ont commencé, et Ugolin a été de la partie.
Nous avons alors découvert d’autres « problèmes » !

Premier problème : faire la crinière
Soit vous décidez de passer 5 heures dans le box et d’égaliser la crinière crin par crin, soit vous finissez par prendre un « tord-nez » et d’abrégez l’épreuve… Mais on cherche encore les autres solutions !

Deuxième problème : les copains !
Ugolin embarque dans le camion avec entrain, il monte seul, licol sur le cou, et connaît sa place (en dernier, à l’endroit qui oblige à se contorsionner un peu pour s’installer)… En revanche, il est obligé d’attendre que les autres soient montés, et ça,… il déteste : Gare à vos pieds si vous le sortez trop tôt du box !
En concours, Ugolin est un bon copain, que l’on peut mettre à coté de n’importe quel cheval… Un très bon copain, même ! En mars 2005, il a encore passé une journée entière à se prendre pour un entier à coté d’une jument en chaleur, et les premières années, il appelait ses voisines de camion PENDANT le tour de CSO (en plus heum… il a une voix ridicule). Et le trajet de retour du terrain vers le camion était plus sportif que le parcours lui-même pour le cavalier !

Troisième problème : les petits « quatre point »
Ugolin ne s’arrête pas, Ugolin décide de sauter même si vous n’en avez pas vraiment envie… mais parfois Ugolin se trompe un peu ! À force de raser les barres (ce n’est pas à un cheval d’expérience qu’on va faire croire qu’il y a 1m15 à passer quand il n’y a qu’1m10 ), de prendre « la longue » (Ugolin, le cheval qui était parfaitement capable de prendre l’option « saut-de-puce» dans un double à 1 foulée » ), et de sauter à gauche (toujours !), parfois on fait tomber une barre.
Pendant longtemps, la spécialité d’Ugolin, c’était d’effleurer presque toutes les barres, avec une sorte de génie pour ne pas les faire tomber.
Mais souvent aussi, il ratait son coup sur UNE barre (un vertical...), et il terminait avec le célèbre « quatre points d’Ugolin ».
Il a été monté en CSO par tout le monde, les doués et les moins doués.
Il mettait les moins doués en confiance malgré le fameux « quatre points ». (dans mon cas, il s’est même parfois classé en dépit des tentatives récurrentes de la cavalière pour rater son concours !).
Avec les plus doués, il est sorti en CSO en 4e et en 3e série, et il a fait une bonne carrière. Ses plus vieux résultats ne figurent pas dans les statistiques officielles, mais je me rappelle notamment d'un classement fort ancien en finale régionale de CSO à Tours.

Le concours complet

C’est en CCE qu’Ugolin a montré toute sa valeur.
Ce que cachait ce caractère bien trempé, cette aptitude à prendre lui-même les choses en main, c’était un cheval taillé pour le cross, un athlète avec un cœur de champion, des membres aux tissus solides comme de l’acier, et une vraie classe de galop.
petits souvenirs :
Quand Pierre a décidé qu'il allait faire faire du complet à ses cavaliers, il a commencé modestement, avec UNE cavalière, et UN cheval de club... C'était Ugolin, bien sùr !, et c'était Sonia. Les premiers concours n'ont nécessité qu'un van monoplace pour le transport.

Puis tout le monde a travaillé, il a fallu apprendre à faire du dressage avec ce cheval, il a fallu que Sonia arrête de se perdre sur les cross (mais même en se perdant sur un cross, elle a été vice championne régionale avec lui), il a fallu s'habituer à ce qu'il soit infernal sur les visites vétérinaires, à ce qu'il soit systématiquement contrôlé « anti-dopage » quant il y avait un contrôle (car un cheval qui termine un cross en étant aussi fringant, c'est suspect), et à gérer le fauve pour rentrer dans la boîte de départ du cross.

Ces débuts se sont soldés en 1997 par une 6e place aux championnats 4e catégorie de Tartas...
Et par une 9e place par équipe aux championnats des Sociétés de Basoges en 1999.

Un SENIOR hors norme

... et puis, Ugolin a vieilli un peu.
Il a rencontré d'autres cavaliers qu'il a emmené aussi sur de nombreuses épreuves et sur des championnats.
Il a été un temps bichonné par des cavalières qui l'ont pris en pension.
En 2004, Il a fait sa première saison de « E », et c'est Claire Lelong qui a monté ce cheval « plus vieux qu'elle ».
Il avait 18 ans, et il en a profité pour obtenir, pour la première fois de sa vie un titre de champion de France ! (en CSO E2 équipe).
En 2005, il fait une dernière saison légère en am4 sur de petites épreuves de CSO...Le vieux a réussi a gagné une épreuve, et à se classer dans 2 autres !

Aujourd'hui

Ugolin part en retraite, mais tout sera fait pour l'aider à faire la transition.
J'espère que, comme moi, cette nouvelle réjouit tous les cavaliers qui ont eu la chance de le monter en concours (une vingtaine de personnes différentes au total ont profité de son coeur « gros comme ça ).
Entre 1997 et 2005, Ugolin a gagné 200,22 euros en CSO, et 1406,13 euros en CCE (les gains antérieurs ne sont plus consultables) et il a fait plus de 150 épreuves, tout en continuant à être monté en reprise par des cavaliers de niveaux divers.
Il y a beaucoup de chevaux qui ont gagné plus que lui dans leur vie, qui ont un meilleur coup de saut, qui sont plus sages... mais un cheval de club comme celui-ci, il y en a peu !

Longue vie, monsieur Gogol, profites-en bien !



Geneviève (relue par Sonia)
quelques photos : ICI